S’il s’est jadis révélé à la France sous la forme d’un yaourt qui fait du bien avant de devenir une certification qui ne fait pas mal, le « bio » est désormais à la fois une obsession marketing pour produits greenwashés mais aussi une préoccupation nécessaire face aux ravages de l’anthropocène et du capitalocène.
C’est l’abréviation de « biologique », mais tel quel, le mot signifie litttéralement « vie ». Il porte donc la mort en lui : par exemple à Almeria en Espagne, où la culture intensive des tomates « bio » se fait au détriment d’une écologie des ressources humaines et naturelles, sous des kilomètres de bâches plastique.
Cette ambiguïté irrigue la deuxième édition des soirées DÉCOR organisées avec la Fondation d’entreprise Ricard, comme on le voit dans le documentaire de Talita Otovic, 42.2894323,19.2858814 – La bête que l’on abat, ou dans le geste de Nato Bosc-Ducros, qui invite les effets du chlordécone au sein de la fête en s’inspirant de l’écologie décoloniale.
Le « bio » s’affronte aujourd’hui au dépassement de la dichotomie nature/culture : il ne s’agit plus seulement de cultiver les légumes d’une certaine façon mais de prêter une attention globale à la vie comme écosystème où plantes, animaux, minéraux et humains sont embarqués dans un même Titanic.
L’écoféminisme est à ce titre très présent : de façon plus ironique chez la scénographe Agathe de Buretel ou la plasticienne Zhen zhen Ran, de façon philosophique et légère à la fois chez nos artistes invitées, Camille Juthier, qui interroge l’origine et l’organique, et Sophie Larger, dont les Invasives se jouent des définitions et des déplacements.
On croise aussi un vélo, un gâteau, un violon, des figues, un insecticide et des normes sociales – plus d’autres façons d’être au monde, qui se demandent comment l’humain a été lui aussi littéralement « réduit à une ‘‘valeur énergétique’’ », selon la formule de Malcom Ferdinand.
Pour guider les visiteurs au travers de ce commentaire installationniste et sonore des nouvelles écologies et de leurs critiques, le Mmmh Group mène une visite guidée par petits groupes, s’inscrivant dans leur série de performances Tender Conversations et donnant accès à la vie propre des œuvres. Pour cela, elles ont distribué au préalable un questionnaire à leurs collègues artistes pour mieux les connaître. Avec des questions essentielles telles que « Que sent votre œuvre ? » ou « Votre œuvre est-elle votre amie ? »
Enfin, un grand merci aux marraines et parrains de cette soirée : Camille Juthier et Sophie Larger donc, mais aussi Stéphane Degoutin avec Lou Delamare, le violoniste Pablo Schatzman ainsi qu’à Clarisse Hahn, co-curatrice de l’événement.